Voyage dans les mémoires d’un fou

Voyage dans les mémoires d’un fou

Du 25 avril au 15 juin dernier, Lionel Cecilio remontait sur les planches à l’Essaïon pour nous jouer son seul en scène. Retour sur ce voyage atypique.

Cher lecteur, j’ai le cœur à la confidence.

Le 27 avril dernier, je suis tombée amoureuse. Amoureuse d’un travail extraordinaire, amoureuse d’un texte sublime: amoureuse du Voyage dans les mémoires d’un fou.

Sur scène, Lionel Cecilio nous fait voyager le temps d’un instant aux détours de la vie d’un homme qui se sait perdu. Cet homme qui souffre et qui va mourir se souvient, et il se souvient pour nous spectateur et lecteur. Il nous écrit son histoire, mais aussi d’autres histoires. On rencontre tantôt Einstein, tantôt Jeanne d’Arc et bien entendu Dieu. Lionel jongle avec brio entre ses personnages, à la fois institutrice, mère, père, enfant, médecin, malade, ce seul en scène a des allures de comedia del Arte.

Un spectacle à la fois drôle, émouvant, subtil, glaçant, sarcastique et caustique: un véritable moment de théâtre.

Texte mis en scène et écrit par Lionel Cecilio, qui trouve tout son sens au théâtre de l’Essaïon où le spectateur est plongé dans une sorte de confidence et une proximité inexplicable. En voici un extrait qui m’a beaucoup touché :

“ Les femmes portaient en elles à la fois la tristesse et la force, la mélancolie et la détermination. Elles avaient compris que la simplicité est le plus absolu des touts. La simplicité l’emporte en toutes choses. Le verbe aimer par exemple, ne souffre d’aucun complément. Aimer beaucoup c’est n’est déjà plus aimer. Les femmes ont compris cela, elles aiment, là où les hommes aiment bien… beaucoup… passionnément…. à la folie… pas du tout.”

Une création lumière splendide qui sublime le jeu du comédien. Entre danse, jeux de regards et décor choisi avec goût, notre maître des mots vagabonde dans l’espace temps et nous conte l’histoire de ce fou.

Un fou pas si fou, un poète plutôt chouette, des mots qui résonnent, sonnent, trébuchent et finissent par glisser sur vos joues en une douce caresse humide. Découvrir, conquérir, comprendre, agir, repartir différent, vous serez subjugué par la beauté inavouée de ce misanthrope.

La nuit des Rois

La nuit des Rois

Venez voyager en Illyrie, au son de la guitare et des cigales: La Nuit des Rois, c’était les soirs à la Condition des Soies à 22h30.

La compagnie Les Lendemains d’Hier nous transporte dans le texte de William Shakespeare La Nuit des Rois. A six sur scène, ils interprètent une quinzaine de personnages tous aussi déjantés les uns que les autres.

La Nuit des Rois, mis en scène par Benoît Facerias, c’est un pari audacieux mais réussi d’un spectacle caustique et dynamique. Les personnages tourbillonnent tour à tour sans nous laisser le temps de souffler. Ils surgissent de chaque recoin de cette magnifique salle, donnant à ce spectacle le loisir d’investir pleinement l’espace.
En effet le théâtre la Condition des Soies, l’un des plus anciens théâtres du Festival d’Avignon, est une ancienne fabrique de conditionnement de la soie. Tout en pierre et cylindrique, cette scène pour le moins originale donne aux comédiens la possibilité de jouer avec l’acoustique.

Dans cette pièce on retrouve des personnages touchants dont le metteur en scène a su mettre en lumière toute leur complexité. Nous avons Orsino, interprété par Grégory Baud, le duc désespérément fou amoureux de sa belle. Olivia, interprétée par Nolwen Cosmao, notre douce comtesse au cœur meurtri. Nous avons également le duo impressionnant des jumeaux Viola et Sébastien interprétés par Joséphine Thoby et Pierre Boulben, qui nous font frissonner dans une sublime rencontre autour d’une danse. Sans oublier notre combo musical Benoît Facerias et Arnaud Raboutet qui jouent le rôle de Sir Toby et Malvolio.

Les comédiens alternent de manière bluffante entres leurs personnages, qui sont parfois complètement antinomiques, si bien qu’avec seulement six comédiens, Benoît Facerias jongle de main de maître pour donner vie à une quinzaine de protagonistes. Chacun à sa façon, nos comédiens sont mis à l’honneur que ce soit en musique ou en danse.

Un parti pris poétique, avec une scénographie rudimentaire et des costumes qui vont à l’essentiel, mettant en exergue le jeu des comédiens. De très beaux tableaux, où l’on se sent transportés entre amour et haine. On s’attache à la fragilité de ces personnages et on se questionne comme eux sur des notions telles que l’amour, le deuil, le dualisme, la politique, la farce, le conflit d’intérêt, la religion et la folie.

Le public rit à gorge déployée, laissant entrevoir dans leurs applaudissements un espoir d’encore. Encore un instant avec ces six comédiens de talent. Merci à Joséphine Thoby, Nolwen Cosmao, Benoît Facerias, Arnaud Raboutet, Pierre Boulben et Grégory Baud.

Danse, chansons, pirouettes, combats, amour, fraternité, amitié et j’en passe, voilà ce qui vous attend dans le spectacle La Nuit des Rois.

K-BaRock

K-BaRock

Venez à la rencontre de nos Tatiana, quatre nymphes qui se révéleront être aussi douces qu’éléctriques. Un voyage au cœur d’un cabaret hors du commun.

Wilkommen, Welcome, Bienvenue !

Vous aimez la vodka, les soirées fougueuses et la fête ? Elles aussi ! Et oui car K-BaRocK, c’est un cabaret musical à la discographie débridée et extravagante. Un quatuor enflammé composé de quatre sublimes jeunes femmes au parfum d’ivresse et de charmes. Ces quatre sœurs nous content leurs histoires, celles des Femmes. Elles nous racontent leurs vies en chant et en danse, à travers des rythmes endiablés allant du jazz au rock. Leur message est fort : chaque corps est unique, avec ses formes et sa sensualité, les femmes aiment, désirent et vivent ! Avec la Compagnie Art en Ciel, on redécouvre des classiques comme “All that Jazz”, “Mein Herr” ou encore “Mon truc en plume”.

Les costumes sont travaillés avec soin et beaucoup de goût, les décors sont simples, mobiles mais efficaces. Une mise en scène à la fois délicate et aguicheuse. On se laisse porter par la chaleur suave et la fumée latente d’une douce soirée acidulée.

Ce spectacle n’est pas “féministe”, mais engagé. Engagé car il nous montre à quel point la Femme est forte, et qu’elle sait vivre seule et libre.

Les admirateurs des shows d’envergure comme ceux du Moulin Rouge ou encore du Crazy Horse pourraient avoir quelques réticences. Pour ma part je me suis laissée totalement embarquer et ai été plus que surprise de la qualité de cette pièce. Ces artistes d’exception on fait vibrer le public au son de leurs voix de cristal et nous ont transporté le temps d’une soirée au Théâtre La Luna d’Avignon, entre plumes et paillettes, dans le monde de la nuit. De ce spectacle on en sort belle, femme, assumée et bien dans notre peau. Messieurs vous êtes bien entendu conviés !

Merci à l’envoûtante Sophie Chiara, à la séduisante Emilie Jobin, à la douce Corinne Rémond et à la pétillante Sarah Vernette. Une mise en scène signée Félicien Chauveau.

Fool for Love

Fool for Love

Pas la peine de prendre un billet d’avion pour aller en Californie, Fool For Love c’est tous les soirs au Pixel à 21h35.

Dans un motel crasseux de Californie du Sud, on découvre May, jeune femme pleine de fougue, Eddie son amant torturé, Martin, l’amoureux et un vieil homme plein de secrets.

Une tension palpable, une colère sans nom, une rage et une force titanesque émanant des deux personnages principaux May et Eddie, on se laisse aisément plonger dans cet univers américain entre amour et haine sur fond de secrets de famille.

Avec un décor très bien optimisé, des jeux de lumières et une mise en scène équilibrée, on en oubli presque l’étroitesse du plateau. Cette proximité avec les comédiens nous plonge d’autant plus aisément dans cette atmosphère pesante. On est à deux doigts de ressentir la chaleur du désert et les effluves d’alcool de nos deux personnages, rongés entre cicatrices émotionnelles béantes et addictions.

Une interprétation remarquable de Julie ZENO qui nous fait frissonner tant sa colère et sa jalousie sont interprétées avec justesse. On sent toute la sensibilité de cette femme, follement amoureuse et pourtant avide de liberté. Un désir paradoxal entre dépendance inconsciente et volonté d’émancipation.

Olivier RAYNAL, notre bel étalon Californien, arrogant et manipulateur, sait également se révéler touchant. Lee MICHELSEN, notre sage pas si sage, est ici présenté comme le témoin de cette scène de destruction du couple. Enfin Dimitri MICHELSEN, qui joue le rôle de Martin le bel amoureux, s’interpose avec brio entre les deux amants maudits.

Une pièce de Sam SHEPARD en anglais sur-titrée français, parfaite pour les amateurs de VO.

Un grand merci à la Compagnie Vingt-Trois pour cette mise en scène et cette pièce aussi touchante que prenante.

N’oublions pas que cette pièce est éligible aux P’tits Molières Avignon, et nous leur souhaitons le meilleur pour cette fin de festival !